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Est-il nécessaire d’adapter la qualité d’inventeur telle que définie dans la loi actuelle pour prendre en compte les inventions réalisées à l’aide de l’intelligence artificielle ?

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Est-il nécessaire d’adapter la qualité d’inventeur telle que définie dans la loi actuelle pour prendre en compte les inventions réalisées à l’aide de l’intelligence artificielle ?

Dans la plupart des juridictions, un « inventeur » est défini comme un individu, un être humain ou une personne physique.
De nos jours, dans une application d’IA typique, les humains peuvent être impliqués à diverses étapes : création d’un algorithme d’IA, conception d’un système d’IA adapté à un objectif particulier, entraînement du système d’IA, et application du système d’IA entraîné à une tâche particulière.
Mais, étant donné la capacité des systèmes d’IA à « apprendre », la notion traditionnelle d’inventeur pourrait rapidement être remise en question. En effet, la contribution humaine à l’innovation pourrait être minimisée, voire disparaître complètement, dans un avenir plus ou moins proche.
Il est donc légitime de s’interroger sur l’adéquation entre la qualité d’inventeur telle que définie dans la loi actuelle et les développements récents et à prévoir en matières d’IA.
Cette question semble restait relativement ouverte. Les points de réflexion ci-dessous semblent à considérer pour se faire une opinion :

  • Il semble difficile d’assimiler juridiquement une intelligence artificielle à un individu, un être humain ou une personne physique. La définition que donne la loi actuelle à un « inventeur » semble donc bien exclure la possibilité de déclarer une intelligence artificielle en tant qu’inventeur.
  • Les récents développements en matière d’intelligence artificielle sont jugés ne pas permettre à celle-ci de rendre insignifiante la contribution humaine aux inventions réalisées avec son aide. Il y aurait donc pour l’instant une adéquation acceptable entre les outils juridiques existants et l’intelligence artificielle, en tant que simple outil support de l’innovation, du fait de ses capacités encore limitées et surtout du fait de son manque d’autonomie, que ce soit dans sa définition, son entraînement ou sa capacité à se fixer des objectifs.
  • S’il est possible de donner un nom à une IA de sorte à l’identifier, il convient de reconnaître que la désignation de l’inventeur (par son nom) ne sert pas uniquement à l’identifier, mais sert également à lui permettre d’exercer ses droits sur l’invention, ce qui semble rester de nos jours hors de portée de toute IA.
  • Dans la mesure où il est permis de douter à ce jour de la brevetabilité d’une invention réalisée uniquement par l’IA, sans contribution humaine, il n’y aurait pas d’incitation pour son propriétaire à rendre une telle invention publique. Une protection par mise au secret serait donc vraisemblablement privilégiée qui priverait de ce fait la société d’une divulgation autour de laquelle des développements pourraient intervenir.
  • Si la désignation d’une intelligence artificielle en tant que seul inventeur semble en l’état actuel de la loi être exclue pour une raison de forme, cette seule raison ne semble pas suffisante pour justifier le rejet d’une demande de protection pour cette invention. Les conséquences d’un tel rejet semblent en effet justifiées qu’il soit motivé par d’autres raisons. Pour couvrir cette hypothèse, la loi actuelle devrait donc être adaptée.

Les professionnels consultés semblent moins divisés sur la question de savoir si la possibilité de reconnaître une intelligence artificielle en tant qu’inventeur entrerait ou non en conflit avec les incitations politiques à l’innovation telles qu’elles sont mises en œuvre actuellement aux échelles nationale et/ou régionale.
Un tel conflit parait exister. D’une part, les inventions réalisées à l’aide d’une IA pourraient rapidement prendre une part prépondérante rendant plus difficile toute contribution humaine à l’effort d’innovation. D’autre part, l’IA pourrait beaucoup apporter à l’humanité en termes de promotion scientifique et économique autant qu’en termes de promotion sociale, encore faudrait-il que cet objectif soit effectivement poursuivi.
En tout cas, il paraît exclu d’inciter politiquement une intelligence artificielle à innover.
Au-delà d’une juste reconnaissance, la déclaration d’un inventeur en tant que tel est également une façon de récompenser l’inventeur. Pour la plupart des professionnels, la possibilité de reconnaître une intelligence artificielle en tant qu’inventeur entrerait en conflit avec la valorisation que ce statut est reconnu procurer. Dès lors que le statut attribué à un individu, un être humain ou une personne physique en qualité d’inventeur ne semble pas pouvoir être attribué à une intelligence artificielle, il paraît nécessaire d’attribuer un statut spécifique à cette dernière, dans l’hypothèse encore fortement improbable où sa déclaration en tant qu’inventeur soit rendue possible.

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L’obsolescence de la loi actuelle paraît programmée. Bien que relevant encore d’une urgence relative notamment du fait de l’inexistence à ce jour d’une IA dite forte, il nous faudra inévitablement l’adapter ; or il y a, chez les professionnels, consensus sur la nécessité que cette adaptation se fasse de façon harmonieuse dans le monde entier. Toutefois, parvenir à une telle adaptation de la loi actuelle, harmonieuse au niveau mondial, ne sera pas chose aisée.